Harpagon a du pain sur la planche : enterrer son trésor dans le jardin, épouser la toute jeune Marianne, imposer sa loi à ses enfants, nouer et dénouer des intrigues domestiques, organiser un banquet au rabais. Quelle activité pour ce grand économe ! Mais c’est pour mieux conserver sa manie. Voilà son seul trésor. Pour la protéger à tout prix, il persévère dans son être ; il se dépense jusqu’à la ruine. Et ne préserve rien d’autre que son magot. Tout peut y être sacrifié. On assiste sidéré à cette destruction. Il n’y a pas d’issue ; l’argent est enterré et le manque précipite toute cette petite société dans une urgence panique.
Molière nous montre la vie nue. Le comique, au lieu d’éviter le pire, aggrave encore plus profondément ce portrait tragique. Cette pièce culte a été jouée plus de deux mille fois par la Comédie-Française depuis 1680, on la connaît aussi interprétée par de Funès quatre siècles plus tard. Elle est bien sûr plus que jamais d’actualité ; la scène de l’argent caché se rejoue éternellement et chaque fois plus durement. Mais la pièce de Molière ne propose aucune philosophie de l’économie qu’il s’agirait d’adapter. Il faut à chaque fois réécouter ce texte, incarné par de nouveaux acteurs, sans perruques ni chandeliers, pour retraverser cette extraordinaire étude de la bêtise humaine. Faire réentendre ces cris, ces pulsions, cette inhumanité.
Ludovic Lagarde réunit, pour cette reprise d’un grand classique, les comédiennes et comédiens du Nouveau collectif de la Comédie autour de Laurent Poitrenaux, Christèle Tual et Julien Storini.